Réchauffement climatique

Même si on pouvait stabiliser les émissions globales, la température à la surface terrestre continue.

Louis-Gilles Francoeur

Le mardi 02 octobre 2001

La réalité du réchauffement climatique en raison des activités humaines depuis le début de l'ère industrielle ne peut plus faire de doute, selon les experts du climat. Mais là où le doute est permis, c'est sur la capacité de l'espèce humaine d'en reprendre le contrôle car, même dans l'hypothèse d'une réduction rapide des émissions de gaz à effet de serre (GES), plusieurs des changements amorcés vont continuer, voire s'amplifier pendant des siècles, sans véritable possibilité de retour en arrière, comme la hausse des mers, la fonte de la calotte polaire et la disparition de plusieurs espèces vivantes.

C'est ce qu'ont conclu avant-hier quelques centaines de scientifiques réunis à Wembley, en Angleterre, pour écrire la synthèse des trois rapports scientifiques publiés depuis le début de l'année sur le réchauffement du climat. Leur bilan répond aux neuf questions posées par les gouvernements qui travaillent avec le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), mis en place par l'ONU pour suivre l'évolution du climat.

Devant le scepticisme d'une certaine presse alimentée par le lobby du pétrole et le refus des États-Unis de donner suite aux réductions du Protocole de Kyoto même s'ils sont responsable de 25 % des émissions annuelles de GES et de 30 % des rejets historiques, le GIEC a décidé de produire un indice de fiabilité des travaux scientifiques réalisés jusqu'à présent aux quatre coins de la planète.

Le Rapport aux décideurs, adopté à Wembley, estime que «les changements notés dans le niveau des mers, le couvert neigeux, les calottes glacières et les niveaux de précipitations sont compatibles avec un changement climatique à la surface du globe» dans une fourchette de probabilité allant de 90 à 99 %. Le même niveau de probabilité s'applique aux changements qui ont commencé à perturber l'hydrologie de régions entières ainsi que les grands écosystèmes terrestres et marins dans de nombreuses régions du monde.

Cet indice de probabilité, le premier clairement chiffré sur la réalité du réchauffement climatique, se base sur 44 études «régionales» qui ont retracé l'évolution des plantes, des animaux et des écosystèmes sur des périodes de 20 à 50 ans, en Amérique du Nord, en Europe et dans les régions subarctiques. S'ajoutent 16 études «régionales» (lire les grandes régions géographiques du monde) qui ont analysé une centaine de processus physiques à la base du système terrestre, comme la température de l'air et des mers, les niveaux d'eau, les échanges, etc., dont les données couvraient en général des périodes allant de 20 à 150 ans.

C'est sur ces bases scientifiques toutes convergentes que le GIEC conclut que les années 90 ont été les plus chaudes des 140 dernières et que l'année 1998 est la plus chaude depuis que les humains effectuent des relevés de température.

Quant à la probabilité que ces changements soient l'effet du hasard, elle est «négligeable», concluent les experts du climat.

Là où ces experts sont moins sûrs, c'est quand on leur demande de prédire avec précision les impacts et l'ampleur des changements déjà observables, et dans quelle mesure l'espèce humaine peut les éviter ou les atténuer.

Les six scénarios prédictifs utilisés par le GIEC se basent sur des concentrations de CO2 dans l'atmosphère allant de 540 à 940 parties par millions (ppm), soit la fourchette qui leur semble représentative de la capacité prévisible des humains d'amorcer un véritable virage dans leur utilisation de l'énergie.

En comparaison, la concentration de carbone atmosphérique se situait autour de 280 ppm avant l'ère pré-industrielle pour atteindre l'an dernier 368 ppm, une augmentation de 31 % en 130 ans, attribuable à l'utilisation intensive des hydrocarbures (charbon, pétrole, gaz, etc.), affirme le GIEC.

La stabilisation du climat, disent-ils, exigera une «éventuelle réduction des émissions nettes globales de CO2 à une petite fraction du niveau actuel». Selon le GIEC, «plus la réduction ciblée sera importante, plus rapidement s'amorcera la réduction des concentrations atmosphériques de CO2», la seule façon d'éviter une surchauffe planétaire.

Mais, disent-ils, même si les gouvernements arrivaient à stabiliser les émissions globales, la température à la surface terrestre continuerait de monter de quelques dixièmes de degrés (en moyenne) sur la planète pendant plusieurs centaines d'années encore, parce que les changements en cours vont eux-mêmes générer d'autres changements. Par exemple, l'augmentation du taux d'humidité dans l'air, déjà enclenché, va intensifier le réchauffement. Néanmoins, avec des réductions majeures, bien au-delà de l'objectif de 5 % accepté à Kyoto et boudé par les Américains, il serait possible que le réchauffement atteigne son apogée dès le présent siècle et pour ensuite diminuer.

Le GIEC estime toujours que ce sont les pays pauvres d'Asie et d'Afrique principalement qui vont écoper des pénuries d'eau en vue, sans précédent dans l'histoire de l'humanité. Mais les technologies sont là, disent-ils, y compris un virage majeur vers l'éolien, pour amorcer un virage d'autant plus rapide qu'il s'accompagnera d'un changement global des modes de consommation et de production actuels.

 

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